J'ai terminé ma lecture du numéro 179 de Solaris.
Pour tout vous avouer, c'est la première fois que je tente de faire un résumé critique d'une revue et de nouvelles.
D'abord,
notons que deux des neufs fictions de ce numéro, celui d'Élisabeth
Vonarburg et un des deux textes de Pascale Raud, ont été composés
pendant l'exercice d'écriture sur place du Congrès Boréal 2011. La
thématique de l'envol a donné lieu chez ces auteures à deux textes
réflexifs empreints d'un certain fatalisme. Pour Envol de
Vonarburg, nous assistons aux derniers instants d'un astronaute dont
l'issue de sa mission a toujours été la mort. Cependant, des
complications lui ont fait rater son objectif, le Soleil, et sur son
retour, de nouvelles avaries l'empêchent de se poser sur la Terre. Tout
en douceur, c'est un texte sur les rêves, l'ambition, le bonheur. Ni hier, ni aujourd'hui
de Raud aborde le thème de la liberté sur fond de monde
post-apocalyptique, où humains et oiseaux meurent sans raison apparente,
sans avertissement. Les petits détails nous ébauchent un protagoniste
sensible, dont l'espoir ne tient qu'à un fil, rompu en fin de texte. Un
beau texte dont les répétitions du titre agacent un peu, mais
rappelons-nous qu'il s'agit d'un texte pondu en un cours laps de temps,
sans possibilité de révision! Ces deux histoires sont douces et
agréables à lire tout en apportant un élément de réflexion.
La pire histoire de Frédéric
Raymond m'a attrapée et je l'ai lue, cette pire histoire, en la
savourant. Si j'ai eu une petite difficulté, en début de texte, à
comprendre la relation entre Jeffrey et cette maison du Bas-St-Laurent
(maison d'enfance, ancestrale, d'été?), j'ai par contre suivi sans
problème les allers-retours entre le présent et les flashbacks, en autre
grâce à l'opposition des saisons. J'ai embarqué dans cette étrange
relation entre Jeffrey et Sarah. On sait que sa destinée fut tragique,
mais on veut savoir en quoi elle a consisté. La réponse nous surprend,
mais encore plus la véritable fin. J'ai aimé du début à la fin.
Une bonne idée
de Pascale Raud m'a laissée perplexe. Le protagoniste, qui choisit de
demeurer simple spectateur face au carnage qu'effectue une bête à
l'origine inconnue, n'est pas très sympathique, ni antipathique. Il
m'est indifférent, tout comme il est lui-même indifférent au sort des
autres, il ne sort pas de sa bulle, de sa zone de confort. L'histoire
nous offre une métaphore de repli sur soi et sa cellule familiale
directe, de perte du sentiment de communauté. Son goût est amer. La
qualité de l'écriture, quant à elle, est excellente.
J'avais déjà lu une version préliminaire de Le scalpel
de Louis Auger. Il s'agit de l'histoire touchante d'un garçon qui perd
sa mère, et dont l'élément fantastique est à la frontière de la poésie.
Cependant, quelques descriptions, utilisations de mots m'ont dérangées
et l'apparition du père, à la fin, est un peu gâchée, je trouve par la
première phrase qu'il dit, que je continue de trouver incongrue. Mais
ces très peu nombreux accrocs ne suffisent pas à entacher la qualité de
ce texte qui traite d'un sujet délicat avec originalité.
Dans Tharsis de Prune Mateo,
un homme s'exile sur une planète éloignée pour pouvoir continuer à
exercer sa profession. Les habitants ont comme étrange coutume de devoir
converser avec leurs voisins de pallier à tous les matins, mais l'homme
ne comprend pas très bien les règles qui régissent ces échanges,
jusqu'à ce qu'il rencontre sa voisine en-dehors de ces conditions. Ce
rituel sert à détecter si les gens sont atteints d'un curieux mal qui
leur fait perdre leur sens du temps. Le noeud de l'intrigue est très
intéressant et original, mais je trouve qu'il est mal amené, car il
semble entouré d'un tabou. Le protagoniste, nouvel arrivant, n'est pas
du tout informé de ce rituel - qui est plus qu'une coutume, mais semble
une obligation quasi légale - ce qui lui enlève de son importance, on ne
sent pas la pression et on comprend mal la voisine. L'action de la fin
est bien menée, mais c'est principalement dans l'exposition,
l'explication du monde, qu'il y a lacune.
Dans Mon journal durant la drôle de crise 2,
de Jean-Pierre Laigle, nous retrouvons les réflexions du vieil écrivain
de la première partie, publiée deux numéros plus tôt, qui a survécu à
ses ennuis de santé. Les commentaires sur la vie de tous les jours et
les causes des tracas quotidiens nous dépeignent un monde miné par les
actions présentes et caractérisent le personnage principal, perspicace
et blasé. Par contre, lorsque le protagoniste récite l'évolution des
différentes situations politiques, je décroche. L'effet est trop
"catalogue", mais les projections sont intéressantes.
Scène de crime d'Yves-Daniel
Crouzet nous emmène sur les lieux d'un crime sanglant, horrible, où le
corps a été projeté partout en une multitude de particules. Lopez, le
commissaire divisionnaire, un policier désillusionné, est quand même
impressionné par cette scène, mais surtout par le cran du lieutenant
Verbeck, seule à avoir passé le seuil de la porte.Voilà que Verbeck se
met à délirer sur le mal et Lopez se voit obliger d'agir, d'entrer dans
cette pièce qui se referme sur eux, comme pour les écraser, les dévorer.
Les personnages me sont apparus un peu cliché au premier regard, tout comme certaines réflexions. Par contre, il y a un bon petit pied de nez à la fin.
Rêves de vermillon: l'oeuvre intrégrale de Bram Jameson
de Claude Lalumière est incontestablement originale. Voilà résumés une
douzaine de livres d'un auteur fictif. Si, au début, seuls quelques
éléments sèment le doute sur l'existence réelle de l'écrivain, ces
éléments se multiplient alors qu'on fait référence à des gens connus, et
surtout à un lieu qui, au début, nous semble issu de l'imaginaire de
l'auteur, mais dont on apprend que l'auteur fictif lui-même y aurait
habité. À cela s'ajoute l'apparent style d'écriture très particulier de
l'écrivain fictif et, en finale, les déraillements de notre
narrateur-résumeur. Originale, oui, mais la forme de cette nouvelle rend
la lecture un peu laborieuse et joue avec notre intérêt.
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